La Thérapie Cognitive et Comportementale - La TCC

La TCC, qu'est ce que c'est?

La TCC, ou thérapie cognitive et comportementale, est supposée être la thérapie de base du TOC. C'est une forme de psychothérapie qui a été de multiples fois validée dans le TOC, y compris chez l'enfant. Son principe est assez simple: elle repose essentiellement sur l'extinction de l'angoisse.

L'idée est qu'en se confrontant à répétition avec ses craintes, celles-ci finissent par disparaitre à force d'habituation. Dans le cas particulier du TOC, on parle d'exposition avec prévention de la réponse ou ERP (pour "exposition with response prevention"). Le patient se confronte à sa crainte et se retient autant que faire se peut de réaliser sa compulsion pour s'habituer à l'angoisse, l'idée étant qu'à force l'angoisse diminue et le besoin de réaliser la compulsion disparaisse.

Vous l'aurez compris, on travaille essentiellement sur la compulsion pour faire disparaitre l'obsession.

Le cycle du TOC

Faisons un rapide retour sur ce que l'on appelle le cycle du TOC. Celui-ci explique qu'une obsession apparait soudainement; qu'après son apparition, l'angoisse l'accompagne; du fait de cette détresse, le patient cherchera légitimement à se soulager et développera des compulsions; la compulsion soulage le patient; compte tenu de ce soulagement, le patient associe la compulsion à quelque chose de positif et donc répète cette compulsion à l'infini tant que vient l'obsession et l'angoisse qui l'accompagne. La TCC part du principe qu'en annulant la compulsion du cycle, on interrompt le cycle et on finit par ne plus faire venir l'angoisse associée à l'obsession et donc à faire disparaitre l'obsession elle même. Dans une certaine mesure, la compulsion serait un évitement de l'angoisse, il faut donc éviter d'éviter l'angoisse mais plutôt de s'y habituer pour la banaliser et finalement la faire disparaitre. 

La TCC chez l'enfant - les études scientifiques

 Les preuves d'efficacité de la TCC dans le TOC de l'enfant et de l'adolescent sont soumises à rude épreuve et ne font pas objet d'un consensus si affirmé qu'il peut y paraitre, ceci pour différentes raisons sur lesquelles nous nous arrêterons plus bas. 

La première étude portant sur l'efficacité de la TCC dans le TOC de l'enfant et de l'adolescent est l'étude dites POTS pour "Pediatric OCD Treatment Study" ou étude du traitement du TOC de l'enfant, qui date de 2004 et a été publiée dans une revue de renommée mondiale, le JAMA. Cette étude avait été menée à travers 3 centres universitaires aux Etats-Unis et portait sur 112 patients souffrant de TOC agés de 7 à 17 ans. Arrêtons nous un instant sur le protocole de TCC proposé, car il en existe des dizaines voire plus, je cite:

  • "La TCC consistait en 14 visites sur 12 semaines et impliquait: de la psychoéducation, de l'entrainement cognitif, une cartographie des symptômes de TOC à cibler, et une exposition avec prévention de la réponse. En dehors de la semaine 1 et 2, au cours desquelles les parents étaient vues 2 fois par semaine, les visites étaient réalisées de façon hebdomadaire et durait environ 1 heure. Chaque visite incluait une explicitation des buts à atteindre, un point sur la semaine écoulée, l'apport de nouvelles informations, un entrainement assisté par le thérapeute, des devoirs pour la semaine à venir, et des procédures de surveillance. Les sessions 1, 7 et 11 incluaient les parents pendant l'entièreté de la session".

Vous le voyez déjà, il ne s'agit pas d'une séance tous les 15 jours ou tous les mois, réalisées de façon approximative faute de mieux comme c'est ce qui peut souvent arriver en vie réelle faute de moyen ou de motivation. Parmi les patients participants à l'étude, seuls 97 sont allés jusqu'au bout des 12 semaines. Cette étude retrouve une efficacité de la TCC dans le TOC de l'enfant et de l'adolescent, mais un élément important est à noter, honnêtement rapporté par les auteurs: l'efficacité de la TCC dépendait du site académique: les patients suivis à Philadelphie se montraient très réceptifs à la TCC pendant que les patients suivis à Durham en Caroline du Nord se montraient significativement moins sensibles à la TCC. Ceci pointe une première limite extrêmement importante de la TCC (de la psychothérapie en général), son efficacité dépend du thérapeute, ce qui ne devrait pas être concernant une méthode scientifique (DOI de l'étude: 10.1001/jama.292.16.1969).

Depuis de nombreuses méta-analyses ont été menées, c'est à dire des études reprenant les résultats de toutes les études déjà existantes, et montrent de façon répétée l'efficacité de la TCC chez l'enfant et l'adolescent souffrant de TOC. Mais malgré cette efficacité, des cliniciens (dont je fais parti à titre personnel) peinent à reconnaitre son efficacité réelle. Ainsi, en 2021, des chercheurs notaient: "un large effet était retrouvé en faveur de la TCC pour réduire les symptômes de TOC mais cet effet dépendait du choix du comparateur contrôle. Cette étude soulevait également des inquiétudes concernant la rigueur méthodologique et le rapport des résultats. En particulier, l'efficacité de la TCC dans les études était fortement relié à des conflits d'intérêt chez les auteurs qui nécessiterait une investigation future" (DOI de l'étude: 10.1016/j.comppsych.2021.152223), pendant que d'autres chercheurs expliquaient en 2020: "La TCC peut être plus efficace qu'aucune intervention et autant que les antidépresseurs dans le TOC de l'enfant, même nous sommes très incertain sur l'amplitude de son efficacité". (DOI de l'étude: 10.1016/j.jacc.2019.08.480). Les défenseurs de la TCC dans le TOC de l'enfant répondaient alors que cette conclusion provenait d'une méthodologie mauvaise dans l'évaluation de "la meilleure thérapie basée sur les preuves du TOC pédiatrique" (DOI de l'étude: 10.1016/j.jaac.2020.01.026).

Vous l'aurez compris, la TCC ne fait pas aussi l'unanimité chez l'enfant et l'adolescent qu'on pourrait le penser et vous le faire croire. A titre tout à fait personnel et sur la base de mon expérience empirique, j'ai rarement constaté son efficacité chez mes patients, mais c'est tout de même arrivé quelques fois. 

Compte tenu de tous ces éléments, je recommanderais de la mettre en place: d'une part car cela fait partie des recommandations officielles, et d'autre part, et quelque soit mon opinion, parce que cela peut tout de même fonctionner chez certains. 

Mais attention, une limite majeure existe: la possibilité matérielle de la mettre en place. En effet, cela représente souvent un cout financier et des thérapeutes formés ne sont pas toujours disponibles près de chez soi. Ainsi, si vos moyens financiers sont trop limités ou si vous devez faire des centaines de kilomètres pour accéder à un thérapeute reconnu, il y a le risque que l'investissement ne soit pas rentable et génère de l'agacement de votre part à l'endroit de votre enfant pour lequel vous faites tous ces sacrifices et qui ne progresse pourtant pas, ou même de la part de votre enfant lui-même qui ne supportera plus de s'y rendre du fait de la fatigue engendrée. Enfin, si le TOC est sévère, le patient ne sera souvent pas en mesure de mettre en place les exercices demandés par la TCC et le thérapeute lui même vous dira de revenir une fois les symptômes plus apaisés et la thérapie devenue possible.

Ainsi, si vous pouvez mettre en place une TCC, foncez! Si c'est trop compliqué, ce n'est pas un drame, d'autres solutions existent. 

Dans tous les cas, évitez tout autre forme de psychothérapie, et particulièrement la psychanalyse ou la thérapie familiale sauf contexte particulier.

Le problème de la motivation

La motivation est un problème majeur dans l'efficacité de la TCC du TOC de l'enfant et de l'adolescent. Commençons par mentionner un article: "La motivation est un ingrédient clé dans le succès du traitement du TOC pédiatrique. Comme première ligne de traitement, la TCC demande un engagement important de la part du patient, incluant la participation aux exposition et la réalisation des devoirs. Un manque de motivation peut sérieusement impacter le résultat du traitement" (DOI de l'étude: 10.1002/jclp.22394). Le manque de motivation est effectivement une cause majeure que j'ai constatée chez le jeune comme cause d'échec de la TCC (mais pas que!). Alors faisons le point sur cette épineuse question, et pour l'occasion, je vais me faire l'avocat de votre enfant.

Pour votre enfant, il est compliqué en rentrant de l'école de devoir faire ses devoirs PUIS ses devoirs de TCC qui impliquent de s'exposer et donc de se faire souffrir. Il est important que le jeune comprenne l'utilité de cela au travers une bonne psychoéducation afin qu'il puisse trouver les ressources pour se motiver. Mais attention, ne lui en voulez pas s'il n'y parvient pas: il n'est pas le seul, c'est le cas de bon nombre d'enfants! D'une part, lorsqu'il s'agit d'un enfant, il aura du mal à comprendre le sens de ce qu'on lui demande, et lorsqu'il s'agit d'un adolescent, celui-ci reste... un adolescent! Donc essayez de motiver votre enfant, en accord avec des stratégies que pourra apporter son thérapeute, mais restez indulgents: votre enfant n'est pas adulte, il ne conçoit pas de la même manière que vous son avenir et il préfèrera jouer que de se faire souffrir! Il est difficile de lui imposer son quart d'heure de piano quotidien, alors imaginez ce que ça peut être de lui imposer de souffrir! 

Motivez et encouragez votre enfant mais n'oubliez pas de rester indulgent! Un élément important souvent négligé est la diminution du stress à la maison, donc pas de guerre avec votre enfant!

La TCC chez l'enfant souffrant de TOC en pratique

Le protocole développé dans l'étude dite POTS évoquée plus haut consistant en 14 séances de TCC sur 12 semaines, soit plus d'une par semaine, ce qui est un rythme important. Les séances travaillaient sur les points suivants : 

  • Axe 1: psychoéducation; il s'agissait d'une séance où l'on expliquait ce qu'était le TOC, comment il fonctionnait et comment on allait le traiter
  • Axe 2: thérapie cognitive; il s'agissait d'une séance où l'on entrainait le patient à mettre en lumière l'erreur dans ces raisonnements, par exemple l'absence d'arguments en faveur du TOC qui ne repose que sur un doute.
  • Axe 3: le repérage des symptômes cibles; le patient et le thérapeute faisait une liste des symptômes du TOC qui seront à travailler.
  • Axe 4: exposition avec prévention de la réponse; le patient devait s'exposer à son TOC et retenir ses compulsions.

Lors de ce protocole, les parents participaient aux séances 1, 7 et 11.

Néanmoins, nous avons pu voir les limites de l'exposition avec prévention de la réponse dans le TOC. C'est pourquoi je recommanderais plutôt la méthode développée par Anne Hélène Clair et Vincent Trybou ("se former à la prise en charge des TOC avec les TCC", 2018, éditions Dunod, collection: les ateliers du praticien) qui parait plus pertinent chez l'enfant et l'adolescent et qui consiste, dans les grandes lignes, à ne pas s'empêcher de ritualiser mais en même temps à saboter le TOC. Pour eux, le plus important n'est pas d'éviter de ritualiser mais d'éviter d'avoir un TOC. Cela consiste par exemple à faire exprès de se salir tout de suite après s'être laver, ce qui est supposé, à force, faire abandonner l'enfant ou l'adolescent de faire les rituels puisque jugés inutiles (je vais devoir me resalir après m'être laver donc à quoi bon) et faire disparaitre l'évitement et in fine l'angoisse associée au TOC puisque vivant avec en continue. Ils associent cette méthode avec, dans la mesure du possible, du décalage, c'est à dire le fait de patienter avant de faire le rituel mais tout en continuant d'avoir une vie normal pendant le temps où l'on patiente, c'est à dire sans évitement. Enfin, pour permettre une meilleure acceptation des obsessions, ils recommandent le mindfulness, c'est-à-dire le "laisser couler" comme ils disent: avoir l'obsession mais ne plus la vivre, la regarder comme on regarde une pièce de théatre, en tant que spectateur sans engagement émotionnelle ni jugement, ou l'écouter comme écoute la radio, avec de la distance, ce n'est plus nous qui pensons, c'est le TOC qui émet du son ou des images. Je suis, à titre personnel, très friant du mindfulness qui est toutefois peu évidente à mettre en place chez l'enfant.

Votre rôle dans la TCC de votre enfant

Votre rôle dans la TCC sera d'assister cette TCC. 

Tout d'abord, il me semble que les parents, s'ils n'assistent pas forcément à toute la séance, devraient pouvoir faire un point avec le thérapeute à chaque séance, au début ou à la fin. Par expérience, les enfants et les adolescents peuvent légèrement embellir la réalité et c'est une chance de pouvoir bénéficier de la deuxième source d'informations que sont les parents.

Ensuite, soutenir l'enfant, l'encourager à réaliser les exercices, les réaliser avec lui.

Puis féliciter chaudement l'enfant à chaque fois qu'il réalise l'exercice, qu'il réussisse ou non, plutôt que de le disputer quand il ne le fait pas

Être présent, simplement présent, cela peut réconforter le patient.

Enfin, vous entendrez souvent parle de l'accommodation familiale. Une page spéciale lui sera consacrée sur le site. Cette accommodation est décrite comme étant le mal absolue par la quasi totalité des thérapeutes TCC. Je ne serais pas aussi radicale. Tout d'abord parce que la vraie vie comporte de vraies contraintes incontournables entrainant des accommodations tout aussi incontournables. Les thérapeutes expliquent souvent qu'il faut laisser l'enfant assumer. Par exemple, ne pas l'aider dans son TOC même si c'est pour aider l'enfant à ne pas être en retard à l'école, mais plutôt le laisser être en retard et se faire disputer par la maitresse. Dans la vraie vie, les patients préfèrent être en retard à l'école et la seule chose à gagner à ne pas l'aider c'est qu'il finisse par ne plus y aller du tout à l'école. De la même manière, quand vous rentrez du travail fatigué, vous n'avez pas non plus forcément le courage de faire face à la crise de TOC de votre enfant, c'est aussi la vraie vie. Dans tous ces cas, je privilégie la paix sociale à la maison, quitte à faire un peu d'accommodation, que la guerre permanente. Enfin, les études sont plus mitigées qu'il n'y parait sur l'association accommodation - réussite du traitement (DOI de l'étude: 10.1001/jama.292.16.1969), avec certaines études qui ne retrouvent pas de lien entre réussite du traitement et niveau d'accommodation familiale. Donc si vous pouvez éviter trop d'accommodation c'est très bien, si c'est trop compliqué, ce n'est pas si dramatique et il faudra faire avec la réalité de la vraie vie.

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